A la suite d’une concertation entre l’AGPV (la production viticole) et l’UMVIN (le négoce), le conseil spécialisé « vin » de FranceAgriMer du mercredi 16 octobre 2019 a été écourté. En effet, dès son ouverture Stéphane Héraud et Michel Chapoutier, respectivement président de l’AGPV et de l’UMVIN, ont fait chacun ensemble une déclaration à la suite de laquelle, le président du Conseil spécialisé a levé la séance. Dans la foulée, un point presse a été organisé sur le parvis de FranceAgriMer.
Vous trouverez ci-dessous en substance les éléments de discours qui ont pu être exposés par les deux présidents. Vous trouverez également un communiqué de presse adressé dans la foulée du point Presse.
« Nous, professionnels, voulons dire aujourd’hui, très solennellement, notre désarroi dans le contexte actuel. Stéphane et moi souhaitons exprimer, au nom de nos organisations et de nos collègues, notre incompréhension devant l’absence de considération des pouvoirs publics, qui conduit notre filière dans l’impasse.
Depuis quelques semaines, la pression économique sur notre filière s’est accélérée :
– En France, la loi Egalim entraîne une baisse forte des ventes.
L’export est de plus en plus perturbé :
– l’économie chinoise est en recul depuis plusieurs mois et nous perdons des parts de marchés ;
– La situation à Hong-Kong pénalise tous les opérateurs : les commandes sautent, les évènements annulés et les tensions politiques créent un environnement particulièrement négatif.
– Je ne reviens pas sur le Brexit, pour lequel nous n‘avons aucune visibilité. Nous pouvons cependant craindre les effets économiques d’un No Deal et d’une sortie brutale du Royaume-Uni et en particulier, son possible impact sur la Livre sterling, qui viendrait renchérir nos produits sur notre second marché.
– Enfin, le 18 octobre prochain, nous allons supporter 25% de droits supplémentaires sur nos vins importés aux USA, le premier marché de consommation au monde et celui qui crée les tendances sur la planète. Sortir du marché US, notre premier marché, est un handicap à court terme mais aussi à moyen et long terme. Or cette situation, nous la subissons, nous sommes pris en otage dans un conflit qui n’est pas le nôtre.
Tout ceci va impacter lourdement la filière Vin dans son entier. A titre d’exemple, aux USA, ce sont directement 4500 exportateurs, maisons, coopératives et domaines, qui sont touchés. Plus largement :
– Ces entreprises vont voir leurs débouchés se restreindre et leurs investissements commerciaux mis en péril ;
– Les exploitants, soit directement parce qu’ils vendent sur ces marchés, soit indirectement parce qu’ils travaillent en partenariat avec des Maisons ou des coopératives, vont, par ricochet, se trouver touchés par ces sanctions.
C’est notre compétitivité à tous qui est mise en cause. Elle l’est d’autant plus que, dans le même temps, nos principaux concurrents ne connaissent pas ces mêmes difficultés.
Hier, le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a indiqué que « Les produits et l’artisanat français haut-de-gamme sont mondialement reconnus : l’industrie des boissons, portée par les vins et spiritueux, génère un excédent commercial de 12 milliards d’euros en 2018, soit une augmentation de 68 % depuis 2000. »
Il a poursuivi en soulignant que « Notre pays doit rester une nation de production. Sans production industrielle ou agricole la France ne serait tout simplement plus la France. »
Ce discours est pour nous une évidence.
Pourtant, il me semble qu’il y a loin de la coupe aux lèvres : les paroles ne suffisent pas, il faut des actes et, à ce titre, je fais, avec tous mes collègues, le constat que les réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Par ailleurs, nous souhaitons ici exprimer notre ras le bol face à l’acharnement médiatique à l’encontre de l’agriculture et de la viticulture en particulier, sans soutien des pouvoirs publics. Pour la 3ème année consécutive la France est considérée comme ayant l’alimentation la plus durable du monde. La filière vin fait des efforts considérables et s’est engagée fortement pour s’adapter aux changements de pratiques, pour être leader de l’adaptation au changement climatique au sein de l’agriculture.
En ce qui concerne l’utilisation des pesticides à proximité des lieux habités, les textes actuellement sur la table sont inacceptables et relèvent d’un mépris pour notre filière. L’Etat doit prendre ses responsabilités vis-à-vis des produits qu’il a lui-même classés en fonction de leur dangerosité.
Sur ce sujet encore, nous avons été reçus dans les ministères, écoutés parfois, entendus jamais.
Et pourtant nous avons fait des propositions constructives pour sortir de cette impasse aussi bien sur le court terme que sur le moyen terme.
Ce contexte rend d’autant plus incompréhensible et inacceptable la non consommation de l’enveloppe du PNA cette année. Cela fait 10 ans que ce n’était pas arrivé.
Nous tenons à rappeler une fois de plus, combien nous sommes attachés à ces mesures, qui doivent être un outil de compétitivité et d’adaptation de notre filière.
Nous alertons depuis des mois, voire des années, sur les difficultés liées au PNA :
– sur-interprétation des règlements communautaires,
– manque d’accompagnements des exploitations et des entreprises face à des outils de plus en plus incompréhensibles
– difficultés de gestion et manque de personnel,
– et surtout déconsidération des exploitations et des entreprises de la part des pouvoirs publics.
Cela ne peut pas perdurer ainsi. Il nous faut des réponses concrètes à ces problèmes.
Et la réponse n’est pas la simplification telle qu’elle a été proposée aujourd’hui, qui n’a conduit qu’à rigidifier et complexifier les règles pour les entreprises. Ce que nous voulons c’est un vrai choc de simplification pour les entreprises. Et vous m’avez bien entendu, j’ai bien dit pour les entreprises !
Il convient donc de prévoir un audit des dispositifs du PNA, la promotion bien sûr, mais aussi les questions de relations avec les entreprises.
Nous attendons aussi des pouvoirs publics un accompagnement financier de tous les opérateurs touchés par les sanctions américaines.
Enfin, il faut que le Ministre de l’Agriculture reçoive la filière vin dans les meilleurs délais.
Vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons et en l’absence de réponses à ce jour, nous avons décidé de quitter le Conseil.
Dans les jours à venir, nous attendons des actes forts et des réponses concrètes au plus haut niveau de l’Etat ».